Mon rapport à "l'intelligence "

J'ai longtemps eu un rapport particulier face à "l'intelligence". Dans une société où faire et réussir des études est signe de réussite, au moins aux yeux de nos parents et famille, je faisais partie de ceux visiblement condamné à être "moins que rien". Coiffeuse, couturièrecaissière femme de ménage...la liste des métiers que la société vend comme étant destinés aux gens trop cons ou flemmards pour faire des études est longue. Les métiers des ratés du système. Les métiers que personne ne veut faire mais qui pourtant nous sont plus qu'utiles voir indispensables fait par des personnes qui peut être auraient aspiré à autre chose mais qui en attendant se cassent la santé mentale et physique pour nous autres petits prétentieux que nous sommes. "Il n'y a pas de sots métiers" une phrase trop souvent employée mais non appréciée à sa juste valeur.  

Gamine, le tout premier métier que j'ai voulu faire était "psychologue", puis le classique vétérinaire. 
J'ai 19 ans d'écart avec mon dernier petit frère. Quand je le vois j'ai l'impression sur bien des points de me voir dans un miroir et ce notamment sur son comportement général à l'école. Intelligent mais vite lassé et dissipé, il est à la limite de l'échec scolaire. Là où ma mère n'avait pas fait le nécessaire avec moi en me laissant en proie à mes difficultés, elle est attentive et active avec lui. Ceci lui évitera peut être d'être brisé par toutes les réflexions pleines de jugement émises par des adultes sans pitié pensant alors parler avec un égal doté des mêmes sens de compréhension et de remise en question. On pense secouer le cul d'un gamin et le faire régir en le qualifiant d'abruti, de raté, de bon à rien, que ce n'est pas comme ça qu'il finirait comme ci ou comme ça. On s'oublie au point d'en oublier la fragilité et tout ce qui attrait d'ailleurs à l'enfance et l'adolescence.  

Pas étonnant alors dans mon cas d'avoir été pendant longtemps attirée par des étudiants ou diplômésInconsciemment je les plaçais sur un pied d'estale tout en me rabaissant systématiquement. 
Pour compenser mon manque "d'intelligence" je compensais par un étalage grotesque de mon savoir acquis via ma reprise d'étude. J'étais admirative et envieuse de ces "jeunes" avec qui je n'avais pourtant pas tellement d'écart en âge. J'imaginais leur vie comme étant riche et exaltante me disant qu'au bout du chemin il y avait la promesse et récompense d'avoir un super boulot. Une vie géniale que je n'avais pas. Une vie que je ne connaissais pas. 

Une vie que j'ai appréhendée et réévaluée après avoir travaillé 1 an dans une agence d'emploi. On dit que l'habit ne fait pas le moine, rassurez-vous les diplômes non plus. Je me rendis compte qu'on pouvait avoir validé un certain nombre d'années d'études et être complètement paumé dans la société. Il y avait ceux qui avaient été forcés de faire des études, pression familiale oblige, ceux qui ne voulaient pas exercer dans la branche dont ils étaient diplômés car écœurés, ceux qui mentaient sur leur CV car leur niveau d'étude était trop élevé... Plusieurs candidats m'ont même recommandé de ne pas poursuivre mes étudesIl y en avait même un qui reconnu comme "surdoué" à la suite de tests lorsqu'il était enfant a finit par mentir à ses parents lorsqu'il a rejoint les bancs de la fac. Victime d'attentes et de pressions, il n'avait pas goût à ce qu'il faisait et ne réussissait pas ce qu'il entreprenait. Alors il a prétendu avoir validé des années mais la réalité a fini par le rattraper... 

On avait voulu en faire des élites, une fierté de la famille que l'on peut exhiber à n'importe quelle occasion. On leur a promis des choses, vendu de l'espoir, un salaire pas en adéquation avec le marché de l'emploi, pour au final leur balancer en pleine gueule "pas assez d'expérience" "trop diplômé" "secteur bouché" et j'en passe. 
Un jour un très bon ami m'a dit "je te sens plus apaisée et confiante maintenant que tu as validé certains diplômes. Je sens que tu ne souffres plus de ça. Tes rapports avec les gens sont devenus différents". C'était vrai. J'avais moi-même désinfectée, soignée et recousue une plaie purulente trainée depuis l'enfance. Pour ça j'avais dû me conformer au jeu du système et surtout démontrer à qui osait douter de moi que j'étais tout à fait capable. Est-ce que j'étais fière d'avoir accompli cela ? Non !  En plus d'avoir été envieuse, j'en ai voulu à la terre entière. Il y avait toujours un fautif, quelqu'un à pointer du doigt. Ce n'était pas faux, mais ce n'était pas nécessaire non plus. 
J'étais prise au piège, j'avais mis les pieds dans une arène afin de me battre mais la victoire n'était plus pour moi mais pour mon public.  

Dans l'article précédent je vous parlais de mon choix de ne pas avoir poursuivi en Master pour choisir une autre voie, celle du monde du travail à temps plein. Je ne sais pas si ce fut la meilleure des décisions mais ce fut MA décision. Je l'ai fait pour moi, pour mon bien être et je ne saurais mieux vous recommander que de penser sincèrement à vous, de ne pas avancer dans l'ombre d'un géant susceptible de vous piétiner aux moindre faux pas. 

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